A la fin de l'année 1989, les nouveaux gouvernements doivent faire face à un ensemble complexe de tâches. Ils doivent aussi définir des priorités et un ordre dans les opérations à effectuer. Il faut en effet démanteler le système planifié, jeter les bases d'un « nouveau » système économique dont les contours sont mal définis et peuvent varier suivant les pays. Il faut aussi se donner les moyens de contrôle indirect de l'économie, dont sont dotées les économies occidentales. II faut entendre par là, en premier lieu, les instruments de politique monétaire et budgétaire tota¬lement inexistants dans le précédent système. Une transformation aussi rapide de l'ensemble du système éco¬nomique ne se produit pas « spontanément », elle est « organisée » par …l'Etat. Dans les pays de l'Est la situation économique initiale et le contexte politique ont conduit à des évolutions bien différentes. Les dirigeants est - européens se sont vite confrontés aux questions identiques: à quels rythmes et comment conduire cette inédite transition vers le marché? Deux approches se sont opposées. Certains préconisaient une méthode libérale: "Laissons faire les forces du marché, même s'il peut y avoir des excès". "Le marché ne crée pas le marché", rétorquaient d'autres. Ce débat sur la méthode se cristallisait particulièrement sur la question des privatisations. L'abandon de la propriété collective des moyens de production et la cession de l'ensemble des actifs de l'Etat à des agents privés étaient à l'origine de gigantesques problèmes. Ceux-ci devaient-ils être résolus par l'Etat - au risque de renforcer l'hydre que l'on souhaitait supprimer - ou se régler par le marché? Renforcer l'Etat pour désétatiser l'économie: le paradoxe n'est pas toujours facile à surmonter. C'est là l'un des risques de la transition: seul sans doute un Etat fort est capable de favoriser la création du marché. Pourtant il doit préparer en même temps les conditions de son propre retrait, réduire, à terme, son rôle et accroître celui du marché - délicate dialectique! On peut désormais penser que, pour conduire ce changement systémique, un pilote est nécessaire. Paradoxalement peut-être, l'Etat apparaît comme le meilleur possible.