Un matin, M. Bergeret était assis devant sa table près de la fenêtre. Il était savant et s’intéressait à la littérature antique. Ce matin comme il travaillait dans son cabinet, il a entendu gratter à la porte. M. Bergeret a vu tout aussitôt la vieille servante qui portait un petit chien. Elle est restée un moment immobile, avec un air d’inquiétude et d’espérance, puis elle a posé le chien sur le tapis aux pieds du maître. — Qu’est-ce que c’est que ça ? A demandé M. Bergeret et il a regardé la bête. C’était un petit chien avec une jolie tête noire, le poil ras, couleur feu sombre et une très petite queue. Il avait le corps encore mou des petits. — Angélique, a dit le savant, portez cette bête à ses maîtres. — Monsieur, elle n’en a pas, a répondu Angélique. M. Bergeret a regardé en silence le petit chien qui était venu sentir ses pantoufles. Il a demandé : — Comment s’appelle ce chien ? — Monsieur, a répondu Angélique, il n’a pas de nom, parce qu’il n’a pas de maîtres. M. Bergeret a regardé le chien d’un air de tristesse. Alors le chien a posé ses deux pattes de devant sur la pantoufle du savant et en a mordillé la pointe avec innocence. M. Bergeret a pris sur ses genoux le petit chien sans nom. Le chien l’a regardé et M. Bergeret a été ému par ce regard confiant. — Il a de beaux yeux, a-t-il dit. Il était vrai que ce chien avait de beaux yeux bruns, et le regard de ces yeux exprimait des idées simples et fantastiques. Le chien était fatigué, il a fermé ses beaux yeux. M. Bergeret l’a caressé et la vieille Angélique calmée, a souri. — Il n’y a pas plus sympathique que cette petite bête, a-t-elle dit.